Les derniers mois dans la vie d’ Angelika S., sensible aux produits chimiques

We miss Angelika

Il y a 6 mois, Angelika S. allait encore relativement bien. Elle vivait avec sa famille dans le faubourg d’une ville. Elle aimait les animaux et elle tenait une pension animalière. Elle aimait  aussi beaucoup les  gens en général et aimait leur apporter son aide..

J’ai fait  sa connaissance par l’intermédiaire de ma cousine qui lui rendait souvent visite et qui m’a raconté qu’il y a 4 mois environ, elle s’est mise à présenter  les mêmes symptômes étranges que moi. Dâ’un seul coup,  elle ne supportait plus les adoucissants … les gels  douche que la famille utilisait, les déodorants et beaucoup d’autres produits. Ma cousine lui a alors parlé de ma situation et c’est de cette façon que nous sommes entrées en contact par courrier.. Elle voulait avoir des informations sur le  MCS et je les lui ai envoyées. A ce moment là, elle ne supportait déjà plus les meubles et parquets de sa maison et avait dû s’installer avec une couverture dans la cuisine pour dormir sur le sol. Puis tout s’est enchainé très rapidement. Quasiment tous les jours, ma cousine me tenait informée par téléphone de nouvelles intolérances.

Durant le mois d’Aout qui a été très chaud, Angelika a dû dormir  dans la cour sur une sorte de paillasse qu’elle arrivait à supporter mais même cela n’a pas duré……

Ayant pris contact avec un médecin environnemental, elle a dû attendre plusieurs semaines avant d’obtenir  un rendez-vous (congés etc.). Durant toute cette période, je suis restée en contact avec elle quotidiennement par téléphone , pour des conversations de  5-7 minutes, pas plus car, entre temps, elle était également devenue electrosensible.

Je lui ai alors conseillé de se rendre dans un parc naturel   très proche, ce qu’elle a fait tous les matins  avec son mari. Là-bas elle s’est sentie  mieux. Mais les choses se sont accélérées… essoufflement … tachycardie … état de faiblesse dans les bras et les jambes … problèmes respiratoires… En fait….. une dégradation rapide de son état …

Angelika n’étant plus capable de téléphoner elle -même, j’ai  parlé de façon régulière  avec son mari. Au mois de septembre , tous deux se sont rendus sur le terrain de  camping désert de leur club et ont dormi chacun dans leur voiture – deux  petites voitures -  son mari devant dormir dans la sienne parce que, en  rentrant de son travail, il était « contaminé  par des odeurs » . Tous les jours,  il a  dû faire  25 km pour se rendre à son travail,  devant la laisser toute seule dans le camping. Le soir,  il lui préparait un repas  et  faisait à nouveau 25 km  aller -retour… Toutes ces nuits passées dans de petites voitures leur ont occasionné des douleurs articulaires…….

Puis il a rappelé le médecin environnemental qui lui a proposé d’installer une chambre…saine – dans la maison et de ne plus la laisser sortir à l’extérieur …

Suivant ce conseil,  son mari a donc remplacé le plancher en bois par un carrelage puis a utilisé   la peinture naturelle “Rügener Kreidefarbe”  pour  les murs. Pendant ce temps, Angelika vivait toujours  sur le terrain de  camping. Seule toute la journée . Puis il a commencé à faire froid…. 2 filtres à air PN  ont été installés. On lui a donné de l’oxygène pour le trajet  retour  et là, a eu lieu l’essai pour voir si elle supporterait la chambre .

Durant cette période, son mari a dû se mettre en congés ce qui a occasionné d’autres difficultés , notamment la peur de perdre son emploi….

Angelika ne supportait plus les visites, ma cousine ne pouvait plus l’approcher pas plus que les autres membres de sa famille. Elle a dû fuir à l’arrivée de son fils et n’a plus pu approcher son petit-fils chéri.

Je souffre pour ma part de MCS depuis une dizaine d’année. La maladie a mis du temps à se développer chez moi ce qui signifie qu’en un sens, j’ai eu le temps de voir ce que signifiait le fait d’être de plus en plus isolée. L’âme souffre, les larmes coulent …… puis quelques fois la dépression est là et , au moment ou l’on n’a presque plus d’espoir et que l’on ne comprend pas ce qui se passe , la situation s’aggrave encore….

Mais Angelika a elle très vite compris qu’il lui fallait essayer de tout éviter. Elle s’est mise très rapidement à manger bio, à tout changer mais il faut du temps avant que les odeurs  d’une maison « normale » s’estompent….

Je lui ai apporté mon aide en fonction de mes possibilités et ai tenté de l’apaiser … La consultation auprès du médecin environnemental est enfin arrivée  : Il lui a dit qu’elle avait tous les symptomes du MCS  et lui a conseillé un traitement à base de Vit. B12, B1, B6 en  injection tous les jours sur une période de 6 semaines. Bien qu’ayant commencé ce traitement, tout s’est aggravé.

En seulement 6 mois, Angelika est arrivée au stade final du  MCS.

En septembre, son état n’étant pas encore gravissime, je lui ai proposé de venir chez moi et d’y rester quelques jours….. mais elle a préféré voir si elle allait s’adapter à sa chambre nouvellement carrelée.

Samedi dernier, son mari m’a appelée en me disant que maintenant ils devaient tous deux sortir 2 à 4 heures par nuit, et aller soit en forêt soit au cimétière pour qu’elle puisse au moins un peu respirer. A cause de la  chaleur, l’air citadin  était devenu insupportable pour Angelika. Chaque nuit, elle avait des crises  de tachycardie,  des essoufflements et beaucoup d’autres symptômes… Je leur ai donc proposé  de venir chez moi et c’est ce qu’ils ont fait dimanche dernier, le 25 octobre vers 9 heures du matin.

Les derniers 5 jours de la vie d’ Angelika S.:

Elle est venue avec son masque. Elle avait eu besoin de beaucoup d’oxygène durant le trajet et était  totalement épuisée en arrivant. Nous nous sommes installées sur la terrasse.

Ses vêtements étaient contaminés par l’environnement de sa maison et pour moi,  ils étaient  insupportables. J’ai été obligée de garder mes distances et elle a donc souhaité se changer et mettre des vétements à moi. Mais elle n’a pas supporté la lessive de  marque Klar, que je tolère bien pour ma part  …

Angelika beside Air PurifierPour qu’elle puisse entrer chez moi, elle a mis un jogging , un pull et des chaussettes de son mari qui n’avaient pas été lavés récemment.

Où allait elle pouvoir dormir ?  A ce stade,   elle ne supportait plus le bois, pas  même le bois naturel des meubles,  pas non plus la vieille armoire dans la chambre qu’on avait préparé pour elle.

Elle a voulu dormir sur le sol avec  des draps pas lavés depuis longtemps,  avec une couverture rangée depuis un certain temps au grenier.

Nuits et jours les fenêtres sont restées ouvertes sur  la forêt …

Nous vivons ici dans un environnement forestier à  22 km de Vogelsberg et l’air lui faisait du bien, mais à partir du  lundi,  il y a eu  plus d’ humidité, de brouillard et de basses  pressions  …

Son espoir de voir les choses s’améliorer s’est amoindri. Elle voulait néanmoins essayer.  Elle ne souhaitait pas retourner chez elle…..

Angelika - severe Chemical Sensitivity

Elle est restée sur la terrasse , soit allongée soit assise … j’ai cuisiné  pour elle,  je lui ai donné beaucoup d’eau à boire … j’ai tout essayé pour l’aider moralement et mentalement … je lui ai parlé de note site CSN et aussi des malades qui se sont stabilisés en évitant ce qu’ils n’arrivaient pas à supporter.  Je lui ai parlé de la nécessité de s ‘isoler. Chaque jour nous allions  dehors pour prendre  l’air. Elle pouvait encore faire des promenades d’une heure. Mardi , elle était déjà très ralentie mais elle marchait toujours jusqu’à ce qu’une voiture passant à coté de nous, ne lache des gaz d’echappement qu’elle n’a pas supporté malgré son  masque…

Puis elle a fait la remarque suivante :  pour elle, il lui serait  impossible de vivre comme moi, sans contacts humains et dans un isolement  si long. Son état s’est aggravé, elle n’avait plus l’espoir de pouvoir rester chez moi car elle ne pouvait plus tolérer l’air humide, surtout la nuit … elle n’a plus voulu ni manger ni boire….. elle était désespérée et toutes ses muqueuses ORL étaient dans le même état que chez elle, rouges, gonflées.

Elle devait donc aussi partir de chez moi mais pour aller où ?????

Nous avons réfléchi à toutes les possibilités : Suisse, Mer du Nord … de nouveau   le terrain de camping parce que là bas, la forêt n’est pas aussi dense qu’ici … installer un algéco sur le camping ?  … mais comment chauffer ?  … etc. …

Le Mercredi, à 15 heures,  le fils de ma cousine,  accompagné du mari d’Angelika sont arrivés avec une voiture plus grande, plus « saine » et nous nous sommes fait  nos adieux……..

Aucun d’entre eux ne savait  où aller … ne savait pas quoi faire … alors ils sont retournés  vers la chambre carrelée et le parc  naturel proches.

J’ai su qu’elle avait supporté le trajet avec une température ambiante de 5° dans la voiture. Après cela, je n’ai plus eu de nouvelles…..

Le jeudi après – midi, alors que son mari se rendait au travail et qu’il devait faire quelques achats, elle a mis fin à ses jours… Nous n’avons été avertis que le vendredi soir, selon la volonté de son mari.

Nous sommes terriblement peinés par  la perte de cet être humain…

Une personne  … qui aurait pu vivre encore, si dans ce pays il existait des lieux d’accueil pour les malades atteints par cette pathologie . S’il existait une, seulement une clinique équipée d’une “CleanRoom/pièce sain” où l’on pourrait aller le  cas échéant, comme c’est le cas au Environnemental Health-Center à Dallas/USA , la clinique de Dallas. S’il existait aussi  des médecins capables de diagnostiquer le  MCS à temps – Si la famille et les proches pouvaient aussi bénéficier d’une assistance afin que les choses ne se passent plus ainsi.

Il faudrait que cessent enfin l’ignorance et l’intolérance vis à vis des maladies environnementales. Des maladies pourtant étudiées de façon approfondie par des scientifiques comme le Pr Martin Pall qui nous explique leur mécanisme  et l’implication que peuvent avoir ces pathologies dans la vie quotidienne des malades.

Nous aurions ainsi pu éviter :

  • 2 suicides depuis juillet de personnes dont j’ai été proche
  • 2 êtres humains précieux, qui n’ont pas su que faire, désespérés…….
  • 2 êtres humains qui se vivaient comme un FARDEAU pour leurs familles …
  • 2 êtres humains qui, durant de longues années,  ont eu leur place dans la société et ont agit de façon dévouée et loyale

Nous sommes en deuil d’ Angelika S. et nous sommes consternés par le manque d’assistance envers les malades gravement atteint par le MCS.

En espérant que Dieu puisse apporter un peu de réconfort à leurs proches et en espérant aussi que cette situation dramatique change enfin avec le temps….

que toute cette peine – un jour – n’existe plus  …

qu’il sera possible de guérir , de  reconstruire …

Auteurs: Wolfgang et Mona B. pour CSN – Chemical Sentivitiy Network, 31 Octobre 2009

Traduction en français: Yolande pour CSN


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